Qui sont les gens du voyage ?
Qui sont-ils ?
Le terme « gens du voyage » est une appellation administrative mise en place en 1972 pour désigner une population hétérogène qui réside habituellement en abri mobile terrestre. La loi du 3 janvier 1969 et le décret du 31 juillet 1970, maintenant abrogés, avaient employé les termes de personne sans domicile ni résidence fixe, circulant en France ou exerçant des activités ambulantes.
La loi dite Besson 2, relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage du 5 juillet 2010, modifiée et actuellement applicable fait, elle, référence aux personnes dont « l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles installées sur des aires d’accueil ou des terrains prévus à cet effet ». Egalement, la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a introduit le terme de personnes sans domicile stable. La loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a opté pour un alignement significatif du statut des gens du voyage sur celui des personnes sans domicile stable.
Dans la loi française, cette dénomination de gens du voyage ne comporte aucune connotation ethnique ou communautariste, conformément aux principes constitutionnels de la Vème République. En effet, l’article 1er de la Constitution prévoit que la France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Le Conseil Constitutionnel réaffirme le refus de reconnaître l’origine et la race comme catégorie. Le droit n’admet donc aucune définition identitaire qui exprimerait la culture d’une fraction du peuple, autorisant celle-ci à revendiquer à ce titre des droits spécifiques.
Le terme de « gens du Voyage » est donc une dénomination purement administrative qui englobent un ensemble hétérogène de groupes qui s’auto-désignent Voyageurs, Roms, Gitans, Manouches, Yéniches, Sintis et qui rassemblent en France entre 400 000 et 500 000 personnes, très majoritairement françaises. Ainsi « la grande diversité des gens du voyage en France s’oppose à une définition unique de ces communautés différant par leur mode d’habitat, leurs activités, leurs références culturelles »[1]. En effet, ces divers groupes ont ainsi des traditions, des histoires, des langues et des religions parfois différentes. Jean-Pierre LIEGEOIS dans son ouvrage « Roms et Tsiganes » parle ainsi « d’une mosaïque de groupes diversifiés ».
[1] Jacqueline CHARLEMAGNE, ancienne Présidente de l’association Études Tsiganes, 1988 – 2004, laboratoire de sociologie juridique, Paris II, CNRS, in Differences mars 2000.
Voyageurs et sédentaires
Leur mode d’habitat « traditionnel » a également évolué et se diversifie : ils peuvent être itinérants, mi- sédentaires ou sédentaires. Pour autant, il existe un véritable sentiment d’appartenance collective centré autour de valeurs communes telles que l’importance attachée à la famille. En effet, la famille qui est élargie et pas seulement nucléaire, joue un rôle primordial. Selon le sociologue Christophe Robert, la cohérence et la spécificité des groupes tsiganes tiennent en premier lieu grâce à une organisation communautaire qui valorise la proximité familiale au quotidien et met en avant la famille élargie comme unité de regroupement, de socialisation des enfants, de transmission des savoirs. Il y a également la notion de voyage qui est un héritage historique particulier et qui revêt encore une grande importance, même ceux pour qui sont devenus sédentaires.
Le voyage est la base du mode de vie des Gens du Voyage. Toute vie est fonction du voyage et autour du symbole du voyage qu’est la caravane.
« Le voyage est un symbole et un honneur : nous sommes Voyageurs » est une détermination identificatoire nécessaire et suffisante dans la bouche de celui qui la prononce, pour tout expliquer ».
Jean-Pierre LIEGEOIS, Tsiganes et Voyageurs,
données socioculturelles, données sociopolitiques, Strasbourg,
Conseil de la Coopération Culturelle, Conseil de l’Europe, 1985
Le voyage permet ainsi de laisser derrière soi les difficultés. Pour la majorité, le voyage représente la liberté. Il est à la base du mode de vie et en est le symbole ; il induit des pratiques et entretient des conceptions de la vie.
Jean-Pierre LIEGEOIS, id.« Le voyageur passe. Son espace est un vécu traversé, jamais territoire clos ou borné, mais identité souple sans projection figée sur soi : c’est en eux que se trouvent le territoire des Tsiganes. »
Voyage et sédentarisation ne s’opposent pas. Ils sont souvent les deux faces d’une seule et même réalité, celle de ces voyageurs saisonniers qui, quelque part, ont un point d’ancrage territorial d’où ils partent et reviennent sans cesse.
Pour les gens du voyage, le voyage a deux fonctions principales :
Une fonction sociale : dans un premier temps, il permet la rencontre avec le semblable, avec différentes personnes d’une même « communauté » afin de partager des traditions, des rites. La rencontre peut se faire aussi au hasard du voyage. C’est alors la vie de nomades qui est partagée, « on retrouve des connaissances, de la famille et on décide de faire un bout de chemin ensemble… ». Enfin, le voyage permet aussi la rencontre avec l’individu différent. Ainsi, les Voyageurs renforcent leur identité culturelle en la confrontant à celles d’autres cultures.
Une fonction économique : dans la tradition, les gens du voyage ont des métiers basés sur l’indépendance, qui demandent une prospection intensive impliquant un mode de vie voyageur, à la recherche de la clientèle. Le voyage entre aussi dans une conception de la vie propre aux Voyageurs.